Tumeurs malignes aréomamelonnaires

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Maladie de Paget

Il s’agit d’un adénocarcinome intraépidermique de la région aréolomamelonnaire, très fréquemment associé à un adénocarcinome mammaire intragalactophorique sous-jacent qui détermine le pronostic et dont la recherche doit être systématique. L’affection a été décrite en 1874 par Sir James Paget.

- Elle représente de 0,7 à 4 % des cancers mammaires;
- Elle survient surtout chez la femme dans la sixième décennie;
- Moins de 60 cas ont été rapportés chez l’homme.

La maladie de Paget peut aussi survenir sur un sein surnuméraire.

1 - Description clinique :

L’atteinte est toujours unilatérale et débute insidieusement par des modifications cutanées, non prurigineuses, débutant au mamelon (fig 1) et d’extension lente, centrifuge, vers l’aréole. Elle réalise alors une nappe érythémateuse, bien limitée (fig 2), dont la surface peut être :

- érosive
- suintante
- croûteuse
- hyperkératosique

Le mamelon peut être rétracté ; il peut exister un écoulement mamelonnaire sérosanglant. Des améliorations transitoires sont décrites et ne doivent pas faire éliminer le diagnostic. Les formes pigmentées simulent un mélanome malin. Parfois, une maladie de Paget vulvaire lui est associée.

2 - Description histologique :

L’examen anatomopathologique de la biopsie cutanée montre, dans l’épiderme, de grandes cellules claires au cytoplasme abondant, à noyau large et nucléolé (cellules de Paget). Elles sont en nombre variable, isolées ou regroupées en amas. Elles prédominent au niveau des couches basales, mais peuvent envahir l’épiderme sur toute sa hauteur. Ces cellules peuvent contenir des mucopolysaccharides et être colorées par l’acide périodique de Schiff (PAS) ou le bleu alcian. En immunohistochimie, les cellules expriment les cytokératines glandulaires de bas poids moléculaire dans 90 % des cas, notamment la cytokératine 7 – et l’antigène épithélial de membrane (EMA) dans 90 à 100 % des cas.

L’antigène carcinoembryonnaire (ACE) est exprimé dans 30 à 70 % des cas, la protéine S100 entre 0 et 35 % des cas. La gross cystic disease fluid protein (GCDFP-15), marqueur des glandes apocrines, est positive dans 45 à 55 % des cas. Le marquage de l’oncoprotéine C-erb B2 est retrouvé dans la majorité des cas. L’expression des cytokératines glandulaires, de l’EMA, de l’ACE et la négativité des cytokératines épidermiques de haut poids moléculaire orientent vers la nature glandulaire de la cellule de Paget.

3 - Association à un cancer intragalactophorique sous-jacent :

Cette association est très fréquente et ne doit pas être récusée si la palpation du sein et la mammographie sont normales. En effet, l’étude histologique des pièces de mastectomie retrouve un carcinome intragalactophorique sous-jacent dans plus de 80 % des cas. Celui-ci est le plus souvent in situ, plus rarement invasif.

Il est multifocal dans 20 à 73 % des cas. Cependant, la palpation du sein révèle une masse tumorale, sous l’aréole ou à distance, dans moins de 50 % des cas. La mammographie est anormale dans 60 % des cas en moyenne :

- 92 % s’il existe une masse palpable
- 50 % en l’absence de masse palpable.

4 - Origine de la cellule de Paget :

Elle est encore l’objet de controverses. Il est cependant probable que, dans la majorité des cas, les cellules de Paget proviennent de la migration dans l’épiderme de cellules issues d’un carcinome des canaux galactophoriques contigus. Il n’est pas toujours possible de démontrer une continuité histologique entre la maladie de Paget et le carcinome mammaire sous-jacent mais plusieurs études immunohistochimiques portant sur la lésion de Paget et le carcinome sous-jacent ont permis de mettre en évidence dans 90 à 100 % des cas une bonne concordance pour les marqueurs exprimés :

- cytokératine 7 et oncoprotéine Her/neu
- EMA et ACE
- GCDFP-15

Les rares cas où le carcinome sous-jacent n’est pas retrouvé sur la pièce de mammectomie font supposer que la cellule de Paget pourrait provenir de l’hyperplasie des cellules de Toker.

5 - Diagnostic différentiel :

L’eczéma est bien différent par la bilatéralité de ses lésions, le prurit, l’évolution par poussées et l’atteinte d’autres parties du corps. D’autres tumeurs, comme l’adénomatose érosive le plus souvent et plus rarement le carcinome basocellulaire pagétoïde, la maladie de Bowen, le mélanome (pour les maladies de Paget pigmentées) peuvent être difficiles à distinguer cliniquement et partagent avec la maladie de Paget le caractère unilatéral et la chronicité de l’évolution. La biopsie cutanée permet d’en faire le diagnostic. Histologiquement, la distinction avec la maladie de Bowen à cellules claires (pagétoïde) et le mélanome in-situ peut parfois nécessiter une étude immunohistochimique complémentaire.

Pronostic :

Il dépend surtout du caractère invasif ou non du carcinome intragalactophorique associé. La survie à 10 ans est supérieure à 90% en l'absence de masse palpable et inférieure à 40% en cas de masse palpable. Le pronostic serait plus sévère en cas de survenue avant la ménopause et chez l'homme.

Traitement :

La maladie de Paget relève d’une prise en charge en milieu spécialisé en oncologie ou gynécologie qui n’est pas détaillée ici. Le traitement chirurgical par une mastectomie qui était le traitement de référence, en raison du caractère fréquemment multicentrique de l’adénocarcinome intragalactophorique associé, pourrait être remplacé, pour les formes sans masse palpable et à mammographie normale, par un traitement radiochirurgical plus conservateur.

6 - Carcinome basocellulaire :

Cette localisation est extrêmement rare, 21 cas seulement étant rapportés en 1993. La nette prédominance masculine serait liée à la plus grande exposition solaire de la poitrine que chez la femme.

L’aspect est celui d’une plaque :

- infiltrée,
- érythémateuse,
- croûtelleuse,
- bien limitée dans la forme pagétoïde
- entourée :
d’une bordure papuleuse perlée
d’une ulcération croûteuse
d’une tumeur bourgeonnante et saignotante du mamelon

Le traitement consiste en une excision chirurgicale simple avec une marge de 3 à 5mm.

7 - Autres tumeurs malignes :

Les mélanomes, carcinomes spinocellulaires et maladie de Bowen sont très rares. La maladie de Bowen et les mélanomes posent parfois des problèmes de diagnostic différentiel histologique avec la maladie de Paget, nécessitant le recours aux immunomarquages.

Le léiomyosarcome est exceptionnel.
Seuls six cas mammaires étaient rapportés en 1981, dont un seul atteignant le mamelon. Un cas a été rapporté sur une aréole ectopique. L’extension cutanée d’un adénocarcinome mammaire à la plaque aréolomamelonnaire est un signe d’évolution avancée (fig 3).