Traitement des condylomes externes

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1 - Prise en charge psychologique :

La prise en charge psychologique sans passer nécessairement par un avis spécialisé réside en premier dans le travail d’information du clinicien vis-à-vis du patient. Plusieurs travaux ont souligné les conséquences psychologiques délétères des condylomes chez les patients (cf. morbidité). Il est absolument fondamental avant tout geste thérapeutique physique et toute prescription de donner des explications concernant le mode de contamination et de préciser que les délais d’incubation des condylomes sont éminemment variables (3 semaines à plusieurs années). Ceci permet d’éviter des conséquences souvent dramatiques au sein de couples stables. Il faut aussi insister sur la possibilité de régressions spontanées des lésions. Il convient également de préciser la fréquence élevée des formes asymptomatiques expliquant elles aussi des modes de révélation retardés. Celles-ci peuvent constituer (entre autres...) une explication rendant compte de la négativité du bilan chez l’un des partenaires.

L’atteinte récente d’un partenaire au sein d’un couple ne signifie donc pas forcément une relation « extra conjugale ».

Il faut également souligner la bénignité des lésions et la possibilité de leur disparition à plus ou moins long terme. L’accès volontiers direct à l’information médicale par Internet est de plus en plus courant et aboutit souvent aux confusions ou amalgames PVH/cancer, infection virale/maladie condylome. Il ne faut également pas méconnaître le caractère parfois délétère, voire moralisateur de l’information fournie au patient par son propre médecin. La fréquence des récidives est élevée et ne doit être éludée. Elle permet d’insister sur la nécessité d’un bilan lésionnel précis et d’une surveillance adaptée dont le « calendrier » doit être précisé afin d’évaluer la réponse initiale au traitement des lésions initiales et la survenue éventuelle de nouvelles lésions. La moitié du coût global des traitements est due à moins de 20% des patients nécessitant 10 consultations ou plus. Il convient de savoir comment identifier ces patients lors de la première consultation. Le nombre initial de lésions est le meilleur critère prédictif de l’évolution sous traitement.

2 - Modalités thérapeutiques :

Le traitement des lésions génitales externes dues aux PVH est plus complexe que celui des lésions du col utérin. De plus il est beaucoup moins codifié ce qui explique le grand nombre de méthodes employées. Le traitement est local. Il est plus difficile en raison du caractère fréquemment multifocal des lésions externes et du taux de récidive élevé de ces lésions. Aucun traitement actuellement disponible ne présente d’avantages marquants sur les autres. Bien que des recommandations soient disponibles dans la littérature, celles-ci tentent de répondre à des situations assez générales sans proposer d’option thérapeutique spécifique adaptée à la pratique clinique quotidienne. Les difficultés thérapeutiques résident essentiellement dans la propension majeure qu’ont les lésions à récidiver quel que soit le traitement utilisé. La méthode employée dépend du type de localisation, du type lésionnel, de l’expérience du thérapeute et reste pour les méthodes de destruction très intervenant-dépendante. La logique pratique et économique doit faire une place importante aux traitements auto-appliqués. Mais le recours au traitements auto-appliqués présuppose que le patient ait été « formé » par le clinicien à identifier les lésions. La tolérance et l’efficacité des traitements est éminemment variable et dépend grandement de l’observance des patients, dépendante elle même du degré d’explication fourni par le médecin. Ceci laisse donc encore une place (trop ?) importante aux méthodes ablatives ou physiques destructives. Celles-ci sont majoritairement utilisées par les dermatologues, en particulier quand il s’agit d’un homme.

Plusieurs notions méritent d’être soulignées dans le traitement des lésions externes :

- Les lésions les plus contagieuses sont les condylomes acuminés ;
- L'objectif du dépistage des lésions externes doit être avant tout de faire le bilan d’extension aux autres sites pour lesquels le risque néoplasique est identifié et de permettre le dépistage de lésions des partenaires ;
- Le traitement vise à faire disparaître les lésions visibles, l’objectif d’une éradication virale étant parfaitement illusoire ;
- Des régressions cliniques spontanées de lésions s’observent dans une proportion importante de cas chez l’immunocompétent ;
- Il est illusoire en cas d’immunodépression sévère de penser guérir le patient de lésions profuses tant que l’immunodépression n’est pas contrôlée (par un traitement antirétroviral par exemple) ; dans ce contexte particulier l’agressivité des thérapeutiques sera modulée en fonction de la demande du patient et non pas du « perfectionnisme » du clinicien ;
- Des régressions de lésions histologiques y compris de dysplasies sévères PIN3 peuvent s’observer spontanément chez l’immunocompétent ou après régression de l’immunodépression chez l’immunodéprimé.

On peut distinguer 3 types de méthodes dont les taux de réponses et de rechutes chez l’homme et chez la femme sont résumés dans le tableau I .

Les traitements chimiques sont basés principalement sur des produits cytotoxiques auto-appliqués (podophyllotoxine, 5 fluorouracile) ou non (podophylline, acide trichloracétique) les traitements immunothérapeutiques locaux (imiquimod) et les traitements physiques basés sur la destruction ou l’ablation des lésions (cryothérapie, laser, électrochirurgie, ou excision chirurgicale).

a) Les traitements chimiques

Podophylline et podophyllotoxine (Condyline®, Wartec®)

Il s’agit de traitements antimitotiques appliqués par le praticien (podophylline) ou par le patient lui même (podophyllotoxine). La podophylline n’a plus guère d’indication au cours des lésions péniennes. Il s’agit en fait de préparations dont la pureté et la composition sont très variables et la stabilité assez aléatoire. La podophyllotoxine a remplacé la podophylline. Elle est disponible en solution à appliquer sur les lésions à l’aide d’applicateurs spéciaux ou d’un coton-tige. Elle constitue un bon traitement de première intention des condylomes acuminés externes de petite taille en nombre limité. Le traitement par la podophyllotoxine des lésions péniennes est appliqué, matin et soir 3 jours consécutifs par semaine pendant 4 semaines sur les lésions. Il convient que la première application soit expliquée par le médecin afin d’éviter l’utilisation d’une quantité trop importante de produit sur chaque lésion car celle-ci, si elle ne majore pas l’efficacité, augmente les effets secondaires locaux : irritation locale, douleurs, érosions et ulcérations (50% des patients). Il existe une forme colorée en bleu permettant une visualisation meilleure des zones traitées. Contrairement à la podophylline il n’y pas de risque d’effets systémiques avec la podophyllotoxine.

Fluorouracile (Efudix®)

Il s’agit d’un antimétabolite principalement utilisé sur les lésions vulvaires et ne gardant que des indications très limitées au cours des lésions péniennes ou péri-anales. Il est parfois utilisé au cours de lésions urétrales selon des modalités assez empiriques et mal codifiées. Il n’est pas indiqué au cours des lésions externes. Le produit entraîne un érythème en 1 à 3 semaines suivi de phénomènes nécrotiques à l’origine d’ulcérations volontiers douloureuses (fig. 3)

Acide trichloracétique

L’acide trichloracétique concentré (80%, voire plus) est un traitement classique qui garde des indications. Il est plus efficace sur le versant muqueux que sur le versant cutané et peut être utile en particulier sur des lésions endoméatiques ou uréthrales distale. Il détruit rapidement l’épithelium en altérant les protéines cellulaires. Il s’utilise en application locale avec un coton-tige 1 à 2 fois par semaine pendant 3 semaines. Rappelons que, contrairement à la podophylline et à la podophyllotoxine, il n’est pas contre-indiqué chez la femme enceinte. Il peut être responsable de douleurs et d’ulcérations locales avec cicatrisation ralentie. Ce produit offre un mauvais contrôle de la profondeur de la brûlure et nécessite une certaine expérience de l’opérateur.

b) Les traitements physiques et chirurgicaux

Cryothérapie

La cryothérapie est un traitement de choix, considéré par beaucoup comme le traitement de première intention des lésions externes de petite taille. Il est également le plus employé par les dermatologues. La fréquence et le nombre d’applications est très variable, fonction du type des lésions traitées, de leur localisation et de leur étendue, ainsi que du statut immunitaire du patient traité. L’application préalable de crème Emlat permet de pratiquer le traitement de lésions nombreuses au prix de douleurs tolérables. Les effets observés inhérents à toutes les méthodes destructrices sont des douleurs et des ulcérations. La fréquence des séances est estimée en fonction des délais de cicatrisation observés après une première séance test. Elle varie entre 1 séance par semaine et une séance toutes les 3 semaines.

Laser CO2 et laser Nd-YAG

Contrairement aux lésions cervicales où le laser constitue le traitement de référence, il ne se démarque pas des autres méthodes au cours du traitement des lésions externes. Son principal intérêt réside dans la maîtrise du degré et profondeur de la destruction cellulaire. L’anesthésie par crème Emlat est insuffisante et une anesthésie locale par xylocaïne est indispensable. Tout comme la cryothérapie, il s’agit d’une méthode nécessitant une bonne expérience du thérapeute. Il existe des risques cicatriciels (jusqu’à 28% dans certaines séries...). De l’adaptation de la focalisation et de la défocalisation du rayonnement en cours de séance en fonction de l’effet physique souhaité dépend le résultat. Le laser permet de traiter les lésions externes et endocanalaires internes sous contrôle visuel, à la loupe ou sous colpopéniscopie. La principale indication du Laser Nd-YAG est le traitement des lésions urétrales. Il nécessite au moins une anesthésie locale par injection locale de xylocaïne voire une anesthésie générale en cas de lésions profuses ou multifocales. Il génère par ailleurs des vapeurs contenant de l’ADN viral et nécessite dans cette indication l’utilisation conjointe d’un système d’aspiration adapté.

Excision chirurgicale mécanique

Le traitement ablatif chirurgical s’il est rarement employé en première intention peut être éventuellement justifié devant une lésion isolée ou, si une anesthésie est indiquée, par le traitement chirurgical d’autres localisations lors d’un traitement global de lésions anogénitales. Il peut également se justifier en cas de lésions profuses endopréputiales chez un sujet non circoncis. Dans ce cas, la circoncision permet l’ablation de toutes les lésions ou de la majorité d’entre elles en complétant le traitement avec une autre technique parmi celles évoquées ci-dessus.

Les complications sont celles de toute anesthésie ou de tout acte chirurgical :

- hémorragies
- infections
- troubles de cicatrisation

Électrocautérisation

Ce traitement, applicable au cabinet, est employé essentiellement, dans les lésions profuses, dans les structures ne disposant pas de laser. Les résultats sont là encore très opérateurs-dépendant. Cette technique nécessite une anesthésie locale pour les lésions externes,voire une anesthésie générale pour les lésions internes, étendues ou multifocales. Il génère des vapeurs contenant de l’ADN viral.

c) Traitements immunomodulateurs

En l’absence de traitement antiviral spécifique efficace contre les PVH et compte tenu des évolutions régressives spontanées possibles des lésions, une approche immunomodulatrice a été envisagée depuis de nombreuses années. Celle-ci vise à stimuler l’immunité générale ou locale de façon non spécifique. Si les résultats obtenus avec l’interféron sont très décevants, la mise au point plus récente d’un immunomodulateur topique génère des espoirs plus sérieux dans le traitement des lésions génitales dues aux PVH.

Les interférons

Nous ne ferons que citer ce type d’immunothérapie actuellement non justifiée dans l’arsenal thérapeutique des lésions dues aux PVH en raison de son coût et de ses effets systémiques. Par ailleurs, dans le cadre plus général des infections anogénitales à PVH, les taux de réponse thérapeutique ne sont pas supérieurs à ceux des traitement locaux : 11 à 82% lors d’administration systémique, 32 à 65%  lors d’administration intra-lésionnelle.

L'imiquimod (Aldara)

L’efficacité insuffisante des méthodes cytotoxiques et destructrices et surtout le fort taux de récidive observé avec ces méthodes a fait envisager des stratégies thérapeutiques immunomodulatrices topiques. L’imiquimod est un composé chimique capable d’induire in vitro localement la production d’interféron (IFN) alpha, de TNF et d’autres cytokines par les monocytes macrophages (IL1, IL6, IL8, IL10, IL1 récepteur antagoniste, GCSF et GMCSF). Sur des cultures kératinocytaires, l’imiquimod induit la production d’IFN gamma, d’IL6 et d’IL8. De cette production résulte un effet immunostimulant, antiviral et antitumoral. Ses effets ne sont donc pas limités à ceux décrits avec l’IFN alpha. Les modalités d’application sont très codifiées : une application 3 fois par semaine d’une petite quantité d’imiquimod sous forme de crème à 5% (Aldarat) le soir au coucher, suivie d’un rinçage soigneux le matin pendant une durée maximum de 16 semaines. Ce traitement a démontré son efficacité dans des études méthodologiquement rigoureuses. La principale d’entre elles démontre l’efficacité de ce traitement avec un taux d’éradication des condylomes de 77% chez les femmes traitées. Le taux d’éradication est plus faible chez l’homme (40%). Cependant, dans les premières études, la majorité des sujets étaient circoncis. Compte tenu de la fréquence des localisations balanopréputiales, on attend un meilleur taux de réponse chez l’homme non circoncis au prix d’une tolérance moins bonne. Le traitement est responsable d’un érythème local chez 67% des patients,sévère dans moins de 6% des cas. Il s’agit d’un traitement réservé aux lésions externes, inefficace en cas d’immunodépression sévère. Il reste à évaluer chez les sujets infectés par le VIH, en cas de contrôle immunovirologique. Le taux de récidive observé avec ce traitement semble inférieur à celui observé avec les autres traitements (13%) à 3 mois, 23% à 6 mois.

d) Les traitements antiviraux

A l’heure actuelle, on ne dispose pas de traitement antiviral efficace sur les papillomavirus. Certes, certaines molécules ont un effet anti-PVH (cidofovir ou HPMPC...), mais elles ne sont disponibles que par voie systémique où leur toxicité, rénale en particulier est très importante. Les études préliminaires concernant l’utilisation du cidofovir sous forme topique, faisant état d’un intérêt potentiel de cette molécule, en particulier chez les sujets immunodéprimés, sont restées assez limitées.

Les stratégies vaccinales

Les espoirs thérapeutiques futurs reposent sur le développement de stratégies vaccinales soit à l’aide de peptides, de pseudo-particules virales (protéines de capsides autoassemblées) ou par thérapie génique. Les travaux réalisés sur des modèles animaux de verrues cutanées (cottontail rabbit) sont encourageants. Les études réalisées chez l’homme témoignent de la possibilité d’induire une réponse immune dirigée contre le PVH6 par l’utilisation de pseudo-particules mais le caractère protecteur de cette réponse immune reste à évaluer.

Attitude pratique

Les indications thérapeutiques sont fonction du type de l’accessibilité des technologies potentiellement intéressantes pour un patient donné, des souhaits et de la disponibilité du patient, ainsi que de son niveau de compréhension des modalités thérapeutiques. La surveillance clinique reste nécessaire et l’association de techniques ablatives destructrices à effet immédiat ou presque à un traitement auto-appliqué est tout à fait envisageable. Il est important de rassurer les patients présentant des lésions externes et de bien préciser que le délai d’incubation de telles lésions est éminemment variable (quelques semaines à quelques mois) ce qui évitera dans bon nombre de cas des conséquences psychologiques très délétères sur le couple. Le degré de contagiosité des lésions est très variable,élevé dans le cas des condylomes acuminés, beaucoup plus faible dans le cadre de lésions planes. Certaines localisations sont transmissibles malgré le préservatif (lésions pubiennes, périnéales, scrotales...). La transmission de condylomes lors des « préliminaires » amoureux en dehors de toute pénétration permet d’expliquer les contamination quand le préservatif n’est utilisé que pour ces dernières et doit être pris en compte dans le travail d’explication. Bien qu’il n’existe pas d’arguments formellement démontrés sur le rôle protecteur du préservatif et son intérêt dans la prévention du cancer du col utérin, la contagiosité des condylomes acuminés,le risque de dissémination ou de réinfection et son intérêt prouvé dans la prévention d’autres MST incitent à conseiller l’utilisation du préservatif. La durée de la protection par préservatifs après éradication des lésions au sein d’un couple n’est pas codifiée. On conseille des rapports avec préservatifs pendant la durée du traitement et pendant une période de « sécurité » faisant suite à la rémission clinique. La normalité de 2 examens cliniques pratiqués à 2-3 mois d’intervalle par un clinicien expérimenté peut être considérée comme raisonnable pour envisager l’arrêt du préservatif dans un couple stable. Celle-ci est à moduler en fonction de chaque situation et du degré d’acceptabilité du préservatif au sein d’un couple. Dans les condylomatoses florides, il existe un risque d’autoinoculation par le port du préservatif et certains conseillent une abstinence des rapports sexuels durant la période du traitement. La disparition des lésions sous traitement peut prendre 1 à 6 mois et bien que les récidives soient fréquentes, les lésions disparaîtront tôt ou tard.